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Autre réflexion

Danses Macabres

Regarde, regarde bien. Tu ne le vois pas ? Regarde mieux. Non ? Toujours pas ? Éteins cette bougie et concentre toi, fixe un objet dans la pièce et tu le verras. Quoi ? L’obscurité ? Mais on ne peut rien y faire, si tu souhaites le rencontrer il faut respecter son intimité, et baigner avec lui dans un noir complet. Le diable ne se montre pas facilement, il joue avec toi, tes sentiments, il entre en toi et puis te fait croire à un soupçon d’espoir qu’il anéanti aussitôt, alors tes yeux mi-clos ne cherchent qu’un repère dans la pièce, il se cache, ou du moins te tourne autour sans que tu ne le remarques, ni le soupçonnes. Car le plus dangereux avec lui n’est pas de savoir qu’il se trouve à tes côtés, mais que tu le cherches, et il n’hésitera pas à jouer avec toi et t’entrainer un soir dans une partie de cache-cache macabre. Et je tiens à te prévenir, tu ne crieras jamais victoire. Il paraît qu’il surgit d’un coin de la pièce, lorsque nos yeux fatigués se ferment presque, que notre souffle se régule, et nous apaise, devenant vulnérables. Mais, comme tout démon, il se manifeste. Gare à toi. J’espère que tu es bien caché, car il n’hésitera pas à te poursuivre jusqu’à l’aube, alors que les premiers rayons du soleil éclaireront ton visage dépourvu de toute émotion, comme le ciel l’est d’étoile. Alors il est important que tu suives les règles indiquées, afin qu’ensemble, nous nous immiscions dans cet univers étrange et pervers, aux heures noires de la nuit, durant lesquelles les actes les plus atroces sont commis. Mais avant que le diable n’entre en scène, prends ce briquet avec toi, et si tu le sens t’envouter, fais-en sorte que la flamme l’effraie et l’efface. Car de tout ce qu’on ait pu dire, le feu n’attire pas les démons, mais les chasse. Ils apparaissent sûrement dans le noir complet, mais ne sont que des ombres tentant désespérément d’échapper au soleil, pour accéder au temps de la lune, le seul astre ne leur brûlant point la peau lorsqu’ils dansent autour de leur maitre, le louant dans un dialecte infâme.

Eng:

Look, look closely. Don’t you see it? Look harder. No? Still nothing? Extinguish that candle and focus, fix your gaze on an object in the room, and you’ll see it. What? The darkness? But there’s nothing to be done about it—if you wish to meet it, you must respect its privacy and immerse yourself in complete blackness. The devil doesn’t reveal himself easily. He plays with you, with your emotions. He enters you, only to make you believe in a glimmer of hope that he immediately crushes. Your half-closed eyes then search for a point of reference in the room. He hides—or rather, circles you—without you noticing or suspecting. For the most dangerous thing about him isn’t knowing he’s beside you, but seeking him out. He won’t hesitate to toy with you, dragging you into a macabre game of hide-and-seek one night. And let me warn you—you’ll never claim victory. They say he emerges from a corner of the room when our tired eyes close almost entirely, when our breath steadies and soothes us, making us vulnerable. But, like any demon, he makes himself known. Beware. I hope you’re well hidden, for he won’t hesitate to chase you until dawn, when the first rays of sunlight illuminate your face, devoid of any emotion, like a starless sky. So it’s crucial that you follow the rules provided, so that together we may slip into this strange and perverse universe in the dark hours of the night, when the most atrocious deeds are committed. But before the devil takes the stage, take this lighter with you, and if you feel him trying to entrance you, use the flame to frighten and banish him.For of all that has been said, fire does not attract demons—it drives them away. They may appear in complete darkness, but they are only shadows desperately trying to flee the sun, yearning for the time of the moon—the only celestial body that does not scorch their skin as they dance around their master, praising him in a vile tongue.

Passions inciviles

Dans le silence se déchainent les passions. C’était une phrase en laquelle je croyais fermement. Le silence entrainait l’observation, le développement de tous les sens à la fois : nous écoutions le monde autour, nous sentions les effluves de la ville théâtrale, nous posions notre regard sur chaque élément afin qu’il nous apparaisse totalement nu, nous touchions le monde du bout des doigts, effleurant avec sensibilité ses composants, nous goûtions à ses plaisirs, ses tourments. Seule la parole nous était enlevée, ne serait-ce que le temps d’un regard, la bouche close, les yeux grands ouverts, nous apprenions à découvrir le monde d’une manière inédite. La beauté de la vie dissimulée sous les fléaux du quotidien. Rien ne me paraissait plus concret que l’association évidente du bonheur et du malheur. On ne peut prétendre à vivre une vie sans encombre, sans obstacle, car comment connaître et affronter la difficulté si elle n’existe pas ? Comment ressentir cette joie, si rien ne nous permet de comparer ce moment-ci à une tragédie ? J’aimais la ville pour un tas de raisons, le bruit constant des paroles, des voitures, des groupes de rues, des rires en terrasses. Ou peut-être était-ce le temps qui ne cessait d’ajouter du charme à la ville, lorsque d’un ciel ensoleillé, nous passions à une pluie diluvienne, observant tous ces gens se ruer dans les cafés et les portes claquer, laissant passer dans l’entrebâillement des voix exaspérées suppliant presque dans un brouhaha incessant « un expresso s’il-vous-plaît. ».

Eng:

In silence, passions are unleashed. It was a phrase I firmly believed in. Silence brought observation and led to the awakening of all the senses at once: we listened to the world around us, inhaled the scents of the theatrical city, let our gaze rest on each element until it appeared to us completely bare. We touched the world with our fingertips, brushing its components with sensitivity, we savoured its pleasures, its torments. Only speech was taken from us, if only for the span of a glance—mouths closed, eyes wide open—we learned to discover the world in an entirely new way. The beauty of life hidden beneath the hazards of daily life. Nothing seemed more concrete to me than the obvious connection between happiness and sorrow. One cannot claim to live a life free of trouble, free of obstacles, for how can we know and confront hardship if it does not exist? How can we feel joy if nothing allows us to compare this moment to a tragedy? I loved the city for countless reasons: the constant hum of voices, cars, street performances, laughter spilling from café terraces. Or perhaps it was weather itself that constantly added charm to the city, when, from a sunny sky, it shifted to a torrential rain. We’d watch people rush into cafés, doors slamming shut, letting through, in the crack of an opening, exasperated voices nearly pleading amidst the endless tumult, “An espresso, please!”

Raisonnement amoureux

Pourquoi disait-on que l’amour ravageait les cœurs ? Alors que nous savions pertinemment qu’il n’en est rien, encore et toujours les genoux au sol, à subir les infamies que le monde porte sur ses épaules, anéanti par le poids de celles-ci. L’amour était comme un cri strident au beau milieu d’une galerie de glaces, la netteté du son avait le pouvoir de percer nos tympans de manière si délicate, que la perte d’un de nos sens nous aurait paru comme l’échange divin pour assister à ce spectacle. Alors que l’on espère du cri qu’il s’atténue, nous découvrons peu à peu les coulisses d’un massacre. L’écho. Condamné à mourir sous les atroces refrains de nos erreurs, à soulever de toutes nos forces la misère humaine, comme Atlas portait le monde. Nous devenons lentement une pâle copie de la misérable Echo, condamnée pour l’éternité à répéter les ignominies du monde.

Eng :

Why was it said that love ravaged hearts? When we knew perfectly well that it was untrue, and yet, time and again, we found ourselves on our knees, enduring the infamies the world bears on its shoulders, crushed by their weight. Love was like a piercing scream in the midst of a hall of mirrors; the sharpness of the sound had the power to shatter our eardrums so delicately that the loss of one of our senses would seem a divine trade to witness such a spectacle. As we hope for the scream to fade, we slowly uncover the backstage of a massacre. The echo. Doomed to perish under the dreadful refrains of our mistakes, we struggle with all our might to lift the burden of human misery, as Atlas bore the weight of the world. We slowly become a pale imitation of the wretched Echo, eternally cursed to repeat the world’s ignominies.